La rémunération du salarié détaché et le détachement de longue durée en France depuis le 30 juillet 2020

Publié le : 12/08/2020 12 août août 08 2020

Synthèse


Le 30 juillet 2020, l’ Ordonnance n°2019-116 du 20 février 2019 et le Décret n°2020-916 du 28 juillet 2020 sont entrés en vigueur.

Depuis cette date, le principe, « à travail égal, salaire égal » est consacré : le salarié détaché doit bénéficier de la même rémunération (salaire, primes et accessoires) que celle qui serait versée à un salarié embauché par une entreprise française du même secteur d’activité et qui réaliserait les mêmes tâches.

Par ailleurs, l’employeur étranger doit obligatoirement prendre en charge, en plus de cette rémunération, les frais professionnels exposés par le salarié détaché au titre du transport, des repas et de l’hébergement si les deux conditions suivantes sont réunies :

o    la prise en charge de ces frais est prévue par les dispositions légales ou conventionnelles
o    ils s’agit de frais exposés lorsque le salarié détaché doit se déplacer vers ou depuis son lieu de travail habituel en France ou lorsqu'il est temporairement envoyé par son employeur étranger de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail.

Il est recommandé de vérifier ce que contiennent les allocations propres au détachement versées. En effet, à défaut d’être en mesure de justifier que le versement effectué l’est en application du contrat de travail ou de la loi applicable au titre de la rémunération ou du remboursement de frais professionnels, l’intégralité de l’allocation versée est alors regardée comme payée à titre de remboursement des dépenses et exclue de la rémunération.

Pendant 12 mois seul un noyau dur de règles impératives françaises doit être respecté. Mais au-delà de 12 mois de détachement, l’intégralité du droit français doit désormais être appliqué au salarié détaché (à l’exclusion des règles relatives à la conclusion, la rupture, aux clauses de non-concurrence et aux retraites complémentaires). Le détachement est alors qualifié de “détachement de longue durée”. Sur déclaration motivée déposée via le télé-service SIPSI le noyau dur peut toutefois continuer à être appliqué pendant 6 mois supplémentaires.

Attention, pour les détachements atteignant le seuil de 12 mois à partir du 15 août 2020, la déclaration motivée doit être déposée avant l’expiration du délai (potentiellement à compter du 15 août).

Pour les détachements en cours atteignant le délai de 12 mois avant le 15 août 2020, la déclaration motivée doit être déposée avant le 30 août 2020.

 

Introduction


En application de l’article L1262-4 du Code du travail, le salarié détaché en France doit bénéficier des dispositions légales et conventionnelles françaises dans un certain nombre de domaines , notamment au regard de la rémunération et des remboursements de frais professionnels.

A contrario, pour l’ensemble des autres domaines du droit du travail, le salarié détaché peut continuer à être régi par le droit du travail de son pays d’origine et le droit français n’a pas à s’appliquer.

Dans sa nouvelle rédaction en vigueur depuis le 30 juillet 2020 (transposition de la directive UE 2018/957 du 28 juin 2018 par l’ordonnance n°2019-116 du 19 février 2019), l’article L1262-4 du Code du travail consacre le principe « à travail égal salaire égal » et introduit le statut de « détachement de longue durée ».

Le décret d’application du 28 juillet 2020 (Décret n° 2020-916 du 28/07/2020 - JORF du 29/07/2020) entré en vigueur le 30 juillet 2020 est venu notamment encadrer les éléments de rémunération à verser au salarié détaché (1) et préciser les contours du détachement de longue durée en France (2).

1.    La rémunération du salarié détaché : à travail égal, salaire et remboursements de frais égaux


Depuis le 30 juillet 2020, le salarié détaché doit bénéficier de la même rémunération que celle qui serait versée à un salarié embauché par une entreprise française du même secteur d’activité et qui réaliserait les mêmes tâches.

En application des articles L 1262-4 et L. 3221-3 du Code du travail, il convient d’entendre par rémunération tout « salaire ou traitement ordinaire de base ou minimum et tous les autres avantages et accessoires payés, directement ou indirectement, en espèces ou en nature, par l'employeur au salarié en raison de l'emploi de ce dernier ».

L’article L1262-4 du Code du travail prévoit en outre que le salarié détaché doit bénéficier des dispositions légales et conventionnelles relatives aux remboursements de frais professionnels en matière de transport, de repas et d'hébergement

L’article R1262-8 du Code du travail  modifié par le décret du 28 juillet 2020 précise que :

-    les allocations propres au détachement font partie de la rémunération versée au salarié détaché

-    le remboursement des frais professionnels en matière de transport, de repas et d’hébergement est exclu de la rémunération et est obligatoire si les deux conditions suivantes sont cumulativement remplies :

o    la prise en charge de ces frais est prévue par les dispositions légales ou conventionnelles
o    ils s’agit de frais exposés lorsque le salarié détaché doit se déplacer vers ou depuis son lieu de travail habituel en France ou lorsqu'il est temporairement envoyé par son employeur étranger de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail.

Il prévoit en outre désormais que si l’employeur n’est pas en mesure de justifier, en application du contrat de travail ou de la loi applicable, du versement d’une allocation propre au détachement au titre de la rémunération ou des dépenses encourues du fait du détachement, l’intégralité du versement est alors regardée comme payé à titre de remboursement des dépenses et exclue de la rémunération.

Il est donc recommandé de vérifier que les allocations versées pour les détachements en cours peuvent bien être justifiés au titre de la rémunération.


2.    Le détachement de longue durée et la déclaration motivée


•    Au-delà de 12 mois de détachement

L’ordonnance n°2019-116 du 19 février 2019 a introduit le statut de détachement de longue durée en prévoyant qu’au-delà de 12 mois de détachement, l’intégralité du droit français doit être respectée (à l’exclusion des règles relatives à la conclusion et la rupture du contrat de travail, aux clauses de non-concurrence et à la retraite complémentaire).

En pratique, l’impact semble assez limité dans la mesure où les principales règles contraignantes étaient comprises dans le noyau dur.  

Il convient toutefois de noter que le décret du 28 février 2020 vient abroger l’article  R1262-5 qui prévoyait que les dispositions relatives aux autres congés que les congés annuels payés (solidarité familiale, proche aidant, solidarité internationale, formation de cadres,…) et celles relatives au compte épargne-temps n’étaient pas applicables aux salariés détachés. Ces dispositions sont désormais applicables aux salariés détachés à compter du 13e mois. Pendant les 12 premiers mois, seules les dispositions relatives aux congés annuels payés s’appliquent.

•    Prorogation possible d’application du noyau dur jusqu’à 18 mois de détachement, sur déclaration motivée déposée via SIPSI

L’article L1262-4 du Code du travail prévoit néanmoins que lorsque l'exécution de la prestation le justifie, l’employeur peut sur déclaration motivée adressée à l'autorité administrative préalablement à l'expiration du délai de douze mois, bénéficier d’une prorogation du 6 mois supplémentaires. Dans ce cas, l’application de l’intégralité du droit français ne serait effective qu’au-delà de 18 mois de détachement (soit à compter du 1er jour du 19e mois de détachement).

Le décret d’application du 28 juillet 2020 est venu préciser les modalités de dépôt de la déclaration motivée.

L’article R 1262-18-1 du Code du travail prévoit ainsi que la déclaration doit être effectuée en utilisant le télé-service « SIPSI ». La déclaration de détachement effectuée doit être complétée avec les éléments suivants :

-    La durée de la prorogation pour une durée d'au plus six mois supplémentaires
   Le motif de la prorogation.

Dans la mesure où la déclaration motivée doit être effectuée via le téléservice SIPSI en complétant la déclaration de détachement, se pose la question de savoir si le détachement pour propre compte (sans entreprise française d’accueil) peut également bénéficier de cette prorogation alors que ce détachement est exonéré du dépôt d’une déclaration de détachement.

•    Délais de dépôt de la déclaration motivée

L’article 7 du décret du 28 juillet 2020 précise que lorsque la durée du détachement a atteint douze mois avant le 30 juillet 2020 ou atteint cette durée d’ici le 15 août 2020, la déclaration motivée doit être transmise avant le 30 août 2020. Pendant ce délai, c’est-à-dire entre le 30 juillet et le 30 août, l'employeur étranger est réputé bénéficier d'une prorogation.

En conséquence :

Pour les détachements en cours ayant atteint 12 mois avant le 15 août 2020, la déclaration motivée doit être déposée avant le 30 août pour pouvoir bénéficier d’une prorogation de l’application du noyau dur jusqu’au 30 janvier 2021 au plus tard. Au-delà de cette date, l’intégralité du droit français devra être respectée (à l’exclusion des règles relatives à la conclusion et la rupture du contrat de travail, aux clauses de non-concurrence et à la retraite complémentaire).

Pour les détachements en cours atteignant la durée de 12 mois à partir du 15 août, aucun délai supplémentaire ne sera accordé. La déclaration motivée doit être déposée avant l’expiration du délai de 12 mois (soit par exemple, au plus tard le 15 août pour un détachement atteignant le délai de 12 mois le 16 août 2020).


Cécile Cottin-Dusart
Avocat Associé


1-  Article L1262-4 I du Code du travail depuis le 30 juillet 2020 : « L'employeur détachant temporairement un salarié sur le territoire national lui garantit l'égalité de traitement avec les salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies sur le territoire national, en assurant le respect des dispositions légales et des stipulations conventionnelles applicables aux salariés employés par les entreprises de la même branche d'activité établies sur le territoire national, en matière de législation du travail, pour ce qui concerne les matières suivantes :
1° Libertés individuelles et collectives dans la relation de travail ;
2° Discriminations et égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ;
3° Protection de la maternité, congés de maternité et de paternité et d'accueil de l'enfant, congés pour événements familiaux ;
4° Conditions de mise à disposition et garanties dues aux salariés par les entreprises exerçant une activité de travail temporaire;
5° Exercice du droit de grève ;
6° Durée du travail, repos compensateurs, jours fériés, congés annuels payés, durée du travail et travail de nuit des jeunes travailleurs ;
7° Conditions d'assujettissement aux caisses de congés et intempéries ;
8° Rémunération au sens de l'article L. 3221-3, paiement du salaire, y compris les majorations pour les heures supplémentaires;
9° Règles relatives à la santé et sécurité au travail, âge d'admission au travail, emploi des enfants ;
10° Travail illégal ;
11° Remboursements effectués au titre de frais professionnels correspondants à des charges de caractère spécial inhérentes à sa fonction ou à son emploi supportés par le salarié détaché, lors de l'accomplissement de sa mission, en matière de transport, de repas et d'hébergement. »

2-  Nouvel article R 1262-8 du Code du travail : « Les allocations propres au détachement sont regardées comme faisant partie de la rémunération. Toutefois, les sommes versées à titre de remboursement des dépenses effectivement encourues du fait du détachement mentionnées au 11° de l'article L. 1262-4 en sont exclues et sont prises en charge par l'employeur lorsque les conditions suivantes sont cumulativement remplies :
1° Leur prise en charge est prévue par des dispositions légales ou des stipulations conventionnelles ;
2° Lorsque le salarié détaché doit se déplacer vers ou depuis son lieu de travail habituel sur le territoire national ou lorsqu'il est temporairement envoyé par son employeur de ce lieu de travail habituel vers un autre lieu de travail.
Lorsque l'employeur ne justifie pas du versement de tout ou partie de l'allocation propre au détachement au titre de la rémunération ou des dépenses effectivement encourues du fait du détachement en application du contrat de travail ou de la loi qui régit celui-ci, l'intégralité de l'allocation est alors regardée comme payée à titre de remboursement des dépenses et est exclue de la rémunération. »


 

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